Par akademiotoelektronik, 31/01/2023
Qui saura séduire des Français en mal de protection ?
Depuis des semaines, le président des Hauts-de-France, Xavier Bertrand martèle ce slogan choc dès qu'il s'agit de critiquer Emmanuel Macron : « La protection des Français n'est pas dans l'ADN du Président ». En pleine crise mondiale du Covid-19, avec ses conséquences terribles sur les plans économique et social (montée de la précarité et du chômage), l'ancien ministre la Santé de Jacques Chirac ne choisit pas ces mots par hasard, rappelant par la même occasion qu'il est issu avant tout d'une « droite sociale ». Il y a quelques jours, face à Ruth Elkrief de BFM TV, il a également affirmé aspirer à la « réconciliation des Français ». Durant près d'une heure, installé au coeur du musée du Louvre de Lens, il a répondu aux questions de la journaliste sur un ton très posé, essayant de jouer le responsable politique protecteur. Un peu comme François Hollande en son temps qui avait joué le « président normal » pour tenter de réparer l'hyper activisme de Nicolas Sarkozy durant son quinquennat : « Il est temps que les Français aient un Président qui s'occupe d'eux, vraiment et avant tout », expose de nouveau Xavier Bertrand, laissant entendre qu'Emmanuel Macron est occupé à l'Elysée à faire autre chose...
Des inégalités croissantes
Bref, en dix ans, c'est comme si le discours politique en France continuait à se limiter à cette opposition entre « rupture » et « protection ». Malheureusement pour les Français, cette « rupture » tant promise par les uns et les autres a trop souvent été synonyme de destruction (et non de renouvellement ou de changement), tandis que la « protection » s'est souvent limitée à l'immobilisme. Une attitude qu'on retrouve de plus en plus dans le « en même temps » macronien, à coups de milliards d'euros d'aides assortis à des leçons de morale sur le fait que les Français ne travaillent pas assez, comme a pu le faire récemment Bruno Le Maire, droit dans ses bottes. Bref, pour un Macron qui pointaient en 2017 les inégalités croissantes entre « insiders » et « outsiders », l'imposition d'une « stratégie » du « stop and go » (mais peut on encore parler d'une stratégie à ce sujet ?) à coups de couvre-feux et de confinements intempestifs, aggravant du même coup les difficultés des indépendants, des salariés précaires, ou de l'ensemble des « outsiders » justement, sans que le gouvernement ne semble s'en soucier, n'est pas forcément du meilleur effet à un an et demi de la présidentielle.
Alors, face à Ruth Elkrief qui s'amuse du « en même temps » de Xavier Bertrand, ce dernier se fait gaullien, rappelant qu'il s'était retrouvé en 2015 à la tête de la région Hauts-de-France après que la gauche ait décidé de se désister à son profit face à Marine Le Pen. Le président de région en profite pour rappeler qu'il discute régulièrement avec la maire de Lille, la socialiste Martine Aubry, ou qu'il a entamé un échange avec Arnaud Montebourg, l'ancien ministre du redressement productif et de l'économie, histoire de se rendre sympathique aux électeurs de gauche...
Le front de la division
Justement, de ce côté de l'arc politique, les candidatures ou simili candidatures commencent à se multiplier, laissant poindre le front de la division. Après avoir assuré la promotion de son livre, Arnaud Montebourg se prépare activement, et a indiqué récemment qu'il dirait « d'ici quelques mois » s'il est candidat ou non à la présidentielle. Ses proches ont annoncé la création d'un nouveau parti intitulé « l'engagement » (qui également le titre de son livre). Une cinquantaine de personnes travaillent à la mise en place de ce qui s'apparente à un nouveau parti. Même mouvement effectué à l'hôtel de ville de Paris par Anne Hidalgo, la maire de la capitale, qui cache de moins en moins ses ambitions présidentielles, et qui a annoncé le lancement d'une « plateforme d'idées », baptisée « Idées en commun », dont le but explicite« est de contribuer à un projet de gauche sociale et écologiste pour 2022 ».
Décidément, ça commence à se bousculer à gauche, et Jean-Luc Mélenchon n'est pas en reste : le leader des Insoumis se retrouve ces derniers jours en pleine opération séduction vis-à-vis des journalistes. Et pour tenter de muscler la mobilisation autour de sa personne, ses soutiens vont lancer à travers la plateforme intitulée « Action populaire » un véritable réseau social pour « ne pas avoir à craindre l'interruption » de ses comptes Twitter ou Facebook », et ont annoncé la création en février d'un « parlement de campagne » servant d'espace de discussion sur le programme.
Un discours "républicaniste" d'autorité
Tout cela est peut être utile, mais pour ces trois derniers prétendants, les stratégies divergent grandement. Autant Hidalgo semble se limiter à s'adresser aux CSP+ tentant de grignoter le nouveau fromage électoral des écolos que Montebourg (comme en négatif de la stratégie de Bertrand), multiplie les clins d'oeil à l'égard de la droite souverainiste, allant jusqu'à souligner que Donald Trump n'avait pas eu que des mauvaises idées contre les excès de la globalisation libérale. C'était son fameux gimmick : « Je n'ai aucune espèce de sympathie pour le personnage Trump, mais... »
Pour compléter leur projet de protection, Montebourg comme Hidalgo affirment désormais un discours républicaniste, d'autorité, que ne renierait pas un Manuel Valls. Tout autre son de cloche du coté de Jean Luc Mélenchon : le leader insoumis pour tenter de se refaire une santé après les déceptions multiples dans son camp post 2017 tente de séduire à la fois les Gilets Jaunes et les quartiers, flirtant parfois avec les anti-vaccins, tout en affirmant clairement un discours internationaliste, anti Trump, et s'intéressant énormément à l'Afrique ou aux questions de défense. Ses critiques à l'égarddu maintien de l'opération Barkhane au Mali est une manière pour lui d'imposer un sujet central, régalien, essayant d'éviter de se faire renvoyer à la marge. Cette même marge à laquelle était renvoyée un certain Arnaud Montebourg quand il était ministre :
Reste que pour ces candidats « de gauche », le chemin jusqu'au pouvoir semble encore bien long. À moins que... tout cela ne se passe comme prévu. C'est d'ailleurs ce qu'espère secrètement Jean Marie Le Pen, 92 ans, pour sa fille. Celui qui prédit cette semaine à l'AFP une « abondance » de candidats, ce qui, rappelle-t-il « avantage plutôt les candidats dont les noms sont déjà bien connus, comme celui de Marine Le Pen », « ne voit pas forcément Emmanuel Macron candidat ». À l'exercice du grand bluff, l'heure n'est pourtant pas encore à « demander à voir » le jeu de l'actuel locataire du Château. D'autant qu'à leur niveau, les Français n'attendent qu'une chose, se sortir le plus vite possible de cette crise qui n'en finit pas.
Marc Endeweld6 mn
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