By akademiotoelektronik, 27/06/2022
Jeunes pilotes de ligne, le r�ve qui a vir� au cauchemar !
On leur a promis monts et merveilles. On leur a promis un avenir radieux. Aujourd’hui, une majorité des jeunes pilotes de ligne tunisiens sont au chômage malgré les dizaines de milliers de dinars déboursés par leurs parents, qui pour certains ont du faire des sacrifices énormes et même contracter des crédits bancaires pour garantir l’avenir de leurs enfants. Un avenir de plus en plus incertains !
Voler est le rêve de tous les enfants depuis la nuit des temps. En grandissant, certains d’entre eux continuent d’avoir l’envie d’exercer le métier de pilote de ligne. Avant, il fallait passer par l’Académie militaire, mais depuis les années 2000 la première école privée a vu le jour. Actuellement, il y a trois écoles privées en plus de celle militaire de Borj Amri. Ceci dit, les jeunes qui se lançaient dans ce genre d’études et qui persévéraient jusqu’à obtenir la licence pilote de ligne (ATPL), étaient sûrs d’avoir un avenir prometteur avec une bonne situation financière. Or, ce n’est plus le cas aujourd’hui, malgré le coût de la formation.
Pour devenir pilote en Tunisie, il faut environ 100.000 dinars, ça dépend des écoles : entre les deux années de préparatoire (dans le public ou le privé), la formation théorique de 9 mois et celle pratique de plus de 200 heures de vol. Ce montant ne comprend pas l’uniforme, le certificat d’aptitudes médicales délivré par le Centre d’expertise et de médecine aéronautique (Cemeda), relevant du ministère de la Défense, qui couterait aux alentours de 270 dinars ainsi que le TEA (Test of english for aviation) qui doit être renouvelé tous les 3 ou 5 ans, selon le niveau, pour la somme de 300 dinars environ.
En plus de tout ceci, la licence de pilotage doit être renouvelée chaque année pour ceux qui n’ont pas encore décroché de contrat de travail pour 1.100 dinars (une heure de vol et une heure de simulateur) ou 1.800 dinars (2 heures de vol et 2 heures de simulateur). Toutes ces dépenses alors qu’un emploi n’est pas garanti après.
En effet, il y a quelques jours, une campagne a démarré sur les réseaux sociaux avec comme hashtag "#pilotebattal" ce qui signifie "pilote au chômage" et une phrase choc "un rêve qui vire au cauchemar", et c’est exactement le cas avec un taux de chômage de la profession qui avoisine les 70%.
Pour en apprendre plus, Business News a contacté l’Association tunisienne des jeunes pilotes (ATJP), qui lui a affirmé que 250 jeunes pilotes sont actuellement sans-emploi.
Avant 2003, les pilotes qui avaient leurs diplômes étaient directement recrutés. Mais, à partir de 2011, les recrutements chez Tunisair, le premier employeur du secteur, ont été stoppés pendant 6 ans, ce qui a débouché sur cette situation. En 2015, l’ATJP a été créé pour alerter les autorités sur cette nouvelle donne.
Le hic, c’est que la compagnie aérienne nationale est en manque d’effectifs, en termes de pilotes, avec les départs à la retraite et les départs vers des pays du Golfe. Elle devait lancer un concours pour le recrutement d’une vingtaine de pilote, qui a eu l’accord du ministère du Transport et de la direction, mais qui est entravé par certaines parties. Ce qui fait que le concours n’a pas pu se faire depuis un ans et demi !
Et pour assurer le trafic aérien intense de cet été, les dérogations exceptionnelles, accordées aux pilotes ayant dépassés leurs nombres d’heures de vol, sont devenues monnaie courante, affectant un certain degré le rendement de Tunisair avec des retards à cause de manque de pilotes, entre autres. Certaines dessertes sont carrément assurées par deux commandants de bord au lieu d’un commandant et d’un copilote.
C’est dans ce cadre que s’inscrit le hashtag "#Sayeb_El_Concours" lancé également sur les réseaux sociaux et réclamant le lancement du concours de Tunisair, qui pourra combler une partie de ses besoins en pilotes.
Pour le fondateur d’une des écoles de pilotes de ligne en Tunisie, le métier de pilote de ligne est un métier d’avenir. Il nous indique que selon l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), les besoins en pilotes de ligne dans le monde vont atteindre 250.000 à 300.000 personnes. Il explique que l’aviation se démocratise, qu’un avion se construit en 3 mois, alors qu’un pilote se forme en 4 ans. Il précise que des compagnies aériennes ont revu à la baisse le nombre d’heures de vol chez un pilote. Elles sont même prêtes à payer la qualification type d’avion pour certains de leurs recrues. Aussi, les compagnies cherchent désormais à avoir un engagement ferme des pilotes pour quelques années de travail et qui peuvent coûter dans certains cas jusqu’à 65.000 dollars.
Notre interlocuteur estime qu’il a permis de réaliser le rêve de plusieurs Tunisiens avec l’ouverture de son école et fait épargner à l’Etat des centaines de milliers de dinars. Avant, nos pilotes de ligne étaient envoyés aux Etats-Unis pour suivre une formation aujourd’hui, ils la font ici en Tunisie. En réponse à une de nos questions, il note qu’une formation en Europe couterait entre 65.000 et 85.000 euros, Aux USA entre 90.000 et 120.000 dollars et au Canada entre 80.000 et 90.000 dollars canadien et que certains établissements qui délivreront l’ATPL préciseront que cette licence n’est pas valable dans le pays de formation. Il souligne justement que plusieurs des chômeurs n’ont pas été formé en Tunisie mais ailleurs et que de toute façon dans tous les métiers du monde, on prend toujours les meilleurs.
Certains pilotes persévèrent et sont prêts à réaliser leurs rêves, notamment en se payant seuls une qualification machine ou en cédant à certaine pratique "pay to flignt". Certaines compagnies aériennes réclament à leurs jeunes recrues de payer pour intégrer leur rang. Parmi elles, une compagnie aérienne tunisienne de transport de marchandise, qui estime être payée pour la qualification machine.
Pour sa part, l’ATJP s’est entretenue plusieurs fois avec le ministre du Transport pour étudier les solutions qui peuvent être mise en place pour le chômage des pilotes. Parmi les solutions étudiées par la commission mise en place, c’est de trouver une formule permettant aux jeunes pilotes de faire des heures de vols, notamment sur la compagnie nationale, qui leur permettent de trouver du travail dans d’autres compagnies aériennes.
Entretemps certains pilotes ont choisi de se reconvertir. C’est le cas d’une pilote, qui a préféré garder l’anonymat, et qui a décidé ne pas rester les bras croisés. Aujourd’hui, elle est directrice d’un jardin d'enfants. Après un an de chômage, elle s’est lancée dans de nouvelles études payantes aussi (4.000 dinars). Certes, sa famille a été déçue qu’elle n’ait pas pu devenir pilote après toutes les promesses qu’elle a eues. Mais, elle se dit épanouie même si c’est un métier très difficile mais pas assez payé.
Des mythes se brisent et des rêves deviennent des cauchemars. C’est ce qui est arrivé à ces jeunes pilotes et à leurs familles qui ont tout sacrifié pour certaines. Aujourd’hui, ils sont au chômage et doivent batailler pour rester au niveau et trouver un emploi.
Imen NOUIRA
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