By akademiotoelektronik, 15/09/2022
Fabula, la recherche en literature Cycle de séminaires : HOME III Habiter la langue / Language as home (Bruxelles) PROLONGATION DE L'APPEL
HOME III
Habiter la langue / Language as home
Les rencontres dans le cadre du troisième volet du Cycle de séminaires HOME viseront à explorer le sens et la portée de la notion de « home » à travers l'usage multiple de la langue. Habiter la langue, être habité par la langue, celle qu’on considère comme la sienne. Ou bien une ou plusieurs autres langues avec lesquelles on co-habite. Ou encore une langue autre qui s’invite, une langue autre qui se voit imposée. Que peut signifier « habiter » dans ces contextes ? Exil, créolisation, migration, hétérolinguisme, nostalgie, folie, démence sont des expériences individuelles ou collectives, des ruptures existentielles, où seule la langue ou les langues s’avère(nt) offrir des ancrages, des repères ou un foyer.
Habiter une langue volontairement plurielle ou non, avec laquelle on peut non seulement mettre en mots qui on est, exprimer une identité parfois éclatée, mais avec laquelle on imagine et on crée, avec laquelle on esquisse un « home ». Les pistes suivantes ne se veulent ni exclusives ni exhaustives, mais plutôt comme un point de départ pour des échanges qui traversent et entrecroisent champs disciplinaires à partir des textes littéraires contemporains.
Dans l’intimité de la langue
De quelles manières habiter la langue reviendrait à habiter le temps, le paysage, l’oubli et la mémoire, tant chacune de ces dimensions s’articule par une singularité linguistique dans sa conjugaison des temps, son esthétique, ses souvenirs ? La langue se partage et se donne à habiter, elle nous accueille en elle, avec ses expressions et ses tournures, son réservoir symbolique et ses silences que nous demeurons libres d’explorer, exploiter, voire détourner par jeu ou par représailles. Ainsi lui accorde-t-on l’expression de ce que nous sommes et devenons. Que serions-nous sans cette origine inscrite dans la langue maternelle – curieuse expression remontant au XIe siècle, à l’abbaye de Gorze, près de Metz, qui évoque la Vierge Marie, à qui l’on offre alors des cathédrales, pour désigner la langue de l’Église et de ses écoles, qui laisse à la porte le parler vernaculaire, « fait maison » (Ivan Illich) ? Que signifierait aussi oublier sa langue maternelle dans le cas d’expatriés de longue date ? Ou à la suite d’un accident ou d’une maladie neurodégénérative ?
Habiter la langue au pluriel
Samuel Beckett, Tahar Ben Jelloun, Emil Cioran, Assia Djebar, Mircea Eliade, Nancy Huston, Eugène Ionesco, Herta Müller, Vladimir Nabokov, Boualem Sansal, Tristan Tzara, Anne Weber, etc., nombreux sont celles et ceux qui explorent les recoins de l’habitat langagier en terre d’accueil. Habiter une langue, ce serait donc aussi accepter d'accueillir l'autre (de la) (langue) chez soi. En quelque sorte, de laisser la porte du « home » grande ouverte. Quelles sont les innovations littéraires apportées par la connaissance des variations langagières de sa propre langue ou d’une autre langue ? Comment le rapport entre l’écrivain·e et les langues qu’il/elle pratique, manie, traduit, détourne, torture ou subit parfois même, peut-il varier lorsque plusieurs espaces linguistiques et leurs cultures se rencontrent ? Comment habite-t-on une œuvre à travers la parole multilingue qui la façonne ? Comment envisager l’hétérolinguisme littéraire ?
Un habitat codé
Chez de nombreux écrivains de cultures différentes, la langue d’écriture devient un patrimoine à préserver, le seul et unique moyen de faire exister l’identité culturelle du groupe, la société et la nation, comme dans le cas de régimes politiques liés à l’expatriation, l’exclusion et la purge. Elle est aussi l’outil de « codage » pour contourner la censure et parfois le seul outil de protestation contre la privation de liberté. Elle peut être dotée de plusieurs de ces caractéristiques comme dans l’œuvre de Czesław Miłosz, Sławomir Mrożek, Vaclav Havel, ou Mikaïl Boulgakov. Ainsi pour l’écrivain, habiter la langue servirait à créer les liens libératoires entre les différentes strates de la société ; la langue devenant ainsi l’exécutoire d’objets palpables (p. ex., en tant que gravure sur le monument du Chantier naval à Gdańsk) ou le récit commun – les poèmes chantés, ou encore la base de la satyre et l’humour cathartiques.
Décoloniser la langue
Les colonisateurs ont généralement encouragé ou imposé leur langue aux peuples dominés, allant même jusqu'à interdire à ces derniers de parler leur langue maternelle. En réponse à cette imposition systématique, certain·es écrivain·es et militant·es prônent un retour à l'utilisation des langues d’origine. D’autres considèrent l’idiome imposé comme une alternative plus pratique tant pour améliorer la communication entre les nations que pour contrer un passé colonial en s’appropriant une langue européenne « standard » et en la réformant dans de nouvelles formes littéraires. Par exemple, l’écrivain gikuyu du Kenya Ngũgĩ wa Thiong'o a commencé sa carrière en écrivant en anglais avant de se tourner vers sa langue maternelle, le Gikuyu. L’auteur·e choisit-il/elle de travailler dans une langue locale ou dans celle du colon, voire de les combiner (Léonora Miano) ? Quels types de processus sémantiques d’abrogation/déformation et d’appropriation/réformation l’œuvre donne-t-elle à voir ? Lorsqu’une langue locale prête des termes, dans quel contexte se produisent-ils ? En outre, l’utilisation de la langue implique-t-elle une théorie implicite de la résistance ?
Dans le confinement de la langue
À quel point la perte de la langue première ou seconde équivaut-elle à une perte identitaire, tout au moins à l’isolement social au sein d’une communauté linguistique ? Comment un individu peut-il habiter sa langue quand il se trouve dans une situation d’isolement psychologique et physique, telle une prison, île, ou confiné dans un pays dont il ignore la langue locale ? La langue peut-elle se révéler abri ou lieu d’enfermement ultime ? Quelles ressources doit-on déployer pour continuer malgré tout à habiter sa langue ? Pour ne pas l’oublier ? L’intérêt de la question serait d’examiner ces situations d’isolement littéraire, tant sur le plan de la création artistique que sur le plan de leur représentation littéraire. Dans le prolongement de cette problématique se situe la question des langues alternatives, comme dans la Schachnovelle de Stefan Zweig. Celles-ci peuvent-elles remplacer la langue (maternelle) que nous habitons ? Quelles fonctions accorder à ces langues alternatives ? Dans le cas de la Schachnovelle, c’est la volonté de ne pas perdre la raison. Mais pourrait-on par exemple y ajouter une autre fonction, par exemple une fonction mémorielle liée à la langue première ?
Habiter la langue du non-humain
Au-delà du langage strictement humain, est-il envisageable d’habiter la langue d’un animal/du non-humain comme le chant d’un oiseau, le rugissement d’un lion ou encore le silence d’un arbre ? Ne voilà-t-il pas autant de formes d’expression alternatives (à notre logos et logique anthropocentrique) avec lesquelles nous co-habitons le monde ? Que signifie considérer ces (autres) langues qui viennent à la fois d’ailleurs, mais nous rattachent aussi à la terre, telles que les « partitions polyphoniques » des oiseaux (Vinciane Despret) ou encore les interspecies language games (Eva Meijer) ? Par ces langages alternatifs nous interrogeons – territorialisons différemment ou déterritorialisons –, non seulement notre propre espace (et ses frontières), mais touchons aussi à un territoire encore peu, voire inconnu jusqu’ici, nous invitant à revoir profondément notre perception et relation aux autres êtres vivants.
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Informations pratiques
Le troisième volet du Cycle de séminaires HOME, sous-titré Habiter la langue / Language as Home, aura lieu le 8, 9 et 10 décembre 2021 à Bruxelles (Belgique). Les langues de travail seront le français et l’anglais. Une publication des actes faisant suite à une évaluation par les pairs est envisagée. La modalité de participation au séminaire, télématique, en présence ou hybride, sera communiquée dès que possible, selon l’évolution de la situation sanitaire.
Modalités de soumission
Les propositions de communication, en anglais ou français, en format .doc, devront comporter un titre, un résumé de 300 mots qui précise clairement le corpus étudié, une courte bibliographie critique, une notice bio-bibliographique de 4-5 lignes (comprenant le nom, l’appartenance institutionnelle et l’adresse électronique).
Elles sont à envoyer par courriel à : Seminaires.Home@ulb.ac.be d’ici le 30 octobre 2021.
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Call for papers
Seminar series
HOME III
Habiter la langue / Language as home
The third part of the HOME seminar series will aim to explore the meaning and scope of the notion of "home" through the multiple use of language. To inhabit language, to be inhabited by language, the one that one considers as one’s own. Or one or more other languages with which one co-inhabits. Or another language that invites itself, another language that is imposed. What does “living” mean in these contexts? Exile, creolization, migration, heterolingualism, nostalgia, madness, dementia are individual or collective experiences, existential ruptures, where only language or languages prove to offer anchors, landmarks, or a home.
To inhabit a language, whether voluntarily plural or not, with which one can not only put into words who one is, express an identity that is sometimes fragmented, but with which one imagines and creates, with which one sketches a "home". The following lines of inquiry are not intended to be exclusive or exhaustive, but rather to serve as a starting point for exchanges that cross and intersect disciplinary fields based on contemporary literary texts.
In the intimacy of language
In what ways does inhabiting language mean inhabiting time, landscape, oblivion and memory, since each of these dimensions is articulated by a linguistic singularity in its grammar, its tenses, its aesthetics and its memories? Language is shared and given to us to inhabit, it welcomes us into it, with its expressions and turns of phrase, its symbolic reservoir, and its silences that we remain free to explore, exploit, or even divert by way of play or retaliation. In this way, we give it the shape of what we are and what we are becoming. What would we be without this origin inscribed in the mother tongue – a curious expression dating back to the XI c., to the Abbey of Gorze, near Metz, which evokes the Virgin Mary, to whom cathedrals were offered at the time, to designate the language of the Church and its schools, which leaves the vernacular, "home-made" (Ivan Illich), at the door? What would it mean to forget one’s mother tongue in the case of long-term expatriates? Or following an accident or neurodegenerative disease?
Inhabiting language in the plural
Samuel Beckett, Tahar Ben Jelloun, Emil Cioran, Assia Djebar, Mircea Eliade, Nancy Huston, Eugène Ionesco, Herta Müller, Vladimir Nabokov, Boualem Sansal, Tristan Tzara, Anne Weber, etc., many are those who explore the nooks and crannies of the language habitat in a host country. To inhabit a language would therefore also mean accepting to welcome the other (of the) (language) into one’s home. In a way, to leave the door of the "home" wide open. What literary innovations does knowledge of the linguistic variations of one’s own language or of another language bring? How can the relationship between the writer and the languages he/she practices, handles, translates, diverts, tortures or sometimes even undergoes, vary when several linguistic spaces and their cultures meet? How does one inhabit a work through the multilingual word that shapes it? How can we envisage literary heterolingualism?
A coded habitat
For many writers from different cultures, the language of writing becomes a heritage to be preserved, the one and only way to ensure the existence of the cultural identity of the group, the society, and the nation, as in the case of political regimes linked to expatriation, exclusion and purge. It is also the “coding” tool to circumvent censorship, and sometimes the only tool to protest against deprivation of freedom. It can be endowed with several of these characteristics as in the work of Czesław Miłosz, Sławomir Mrożek, Vaclav Havel, or Mikail Bulgakov. Therefore, for the writer, inhabiting language would serve to create the liberatory links between different strata of society; language thus becoming the executor of palpable objects (e.g., as an engraving on the monument of the Shipyard in Gdańsk) or the common narrative – the sung poems, or the basis of cathartic satyrdom and humor.
Decolonising language
Colonisers have generally encouraged or imposed their language on dominated peoples, even going so far as to forbid them to speak their mother tongue. In response to this systematic imposition, some writers and activists advocate a return to the use of original languages. Others see the imposed idiom as a more practical alternative both to improve communication between nations and to counter a colonial past by appropriating a “standard” European language and reforming it into new literary forms. For example, the Kenyan Gikuyu writer Ngũgĩ wa Thiong'o began his career writing in English before turning to his native Gikuyu language. Does the author choose to work in a local language or in the settler’s language, or even to combine them (Léonora Miano)? What kind of semantic processes of abrogation/deformation and appropriation/reformation does the work show? When a local language lends terms, in what context do they occur? Furthermore, does the use of language imply an implicit theory of resistance?
In the confinement of language
To what extent does the loss of the first or second language amount to a loss of identity, or at least to social isolation within a language community? How can an individual inhabit his/her language when he/she is psychologically and physically isolated, such as in a prison, an island, or confined to a country where the local language is unknown? Can language be a shelter or the ultimate place of confinement? What resources must be deployed to continue to inhabit one’s language despite everything? In order not to forget it?
The interest of such issues would lie in examining these situations of literary isolation, both in terms of artistic creation and in terms of their literary representation. The question of alternative languages, as in Stefan Zweig's Schachnovelle, is an extension of this problem. Can they replace the (native) language we live in? What functions should these alternative languages have? In the case of the Schachnovelle, it is the desire not to lose one’s mind. But could we add another function, e.g. a memory function linked to the first language?
Inhabiting the language of the non-human
Beyond strictly human language, is it possible to inhabit the language of an animal/non-human like the song of a bird, the roar of a lion or the silence of a tree? Are these not alternative forms of expression (to our anthropocentric logos and logic) with which we co-inhabit the world? What does it mean to consider these (other) languages that come from elsewhere, but also connect us to the earth, such as the “polyphonic scores” of birds (Vinciane Despret) or the interspecies language games (Eva Meijer)? Through these alternative languages we question – territorialize differently or deterritorialize – not only our own space (and its borders), but also touch on a territory that is still little known, or even unknown, until now, inviting us to profoundly revise our perception of and relationship with other living beings.
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Information
The third part of the HOME seminar series, subtitled Habiter la langue / Language as Home, will take place on 8, 9 and 10 December 2021 in Brussels (Belgium). The languages of work will be French and English. A peer-reviewed publication of the proceedings is envisaged. The modality of participation in the seminar, whether telematics, face-to-face or hybrid, will be communicated as soon as possible, depending on the evolution of the health situation.
How to submit
Paper proposals, in English or French, in .doc format, should include a title, a 300-word abstract that clearly specifies the corpus studied, a short critical bibliography, and a 4-5 line bio-bibliographic note (including name, institutional affiliation and e-mail address).
They should be sent by email to Seminaires.Home@ulb.ac.be by 30 October 2021.
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Responsables du projet / Convenors
Grazia Berger (Université Saint-Louis – Bruxelles)
Julie Deconinck (Vrije Universiteit Brussel)
Justine Feyereisen (University of Oxford / Université libre de Bruxelles, Fondation Wiener-Anspach)
Barbara Fraipont (Université Saint-Louis – Bruxelles)
Rosanna Gangemi (Université libre de Bruxelles / Université Paris 3 Sorbonne Nouvelle)
Dag Houdmont (Université libre de Bruxelles)
Arvi Sepp (Vrije Universiteit Brussel)
Matthieu Sergier (Université Saint-Louis – Bruxelles)
Dorota Walczak (Université libre de Bruxelles)
Avec le soutien des centres de recherche / With the support of the research centres Philixte (ULB) / Prospero. Langage, image et connaissance (USL-B) / CLIC (VUB)
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