By akademiotoelektronik, 09/08/2022
Comment vendre par téléphone, à des consommateurs français réticents – ils ont trouvé la solution !
De Vannes à Nice, en passant par Paris, quelques rares entreprises françaises se sont spécialisées sur un métier de niche : appeler et, en amont donc, identifier des prospects qui se déclarent acheteurs et rentabiliser l’appel commercial, de façon scientifique. Détection du répondeur, création du sourire au téléphone, contrôle de la conformité du discours commercial, utilisation de vidéos conversationnelles à un moment du parcours client. Les plus innovantes sont en forte croissance car le sujet est bigrement d’actualité : un tiers des Français filtre ou ne décroche plus les appels téléphoniques, irrités par trop de démarchage - note de l'Insee du 24 janvier 2022.
Détecter les répondeurs téléphoniques et faire sourire.
Dans quelques laboratoires réservés à des initiés, des entreprises françaises se consacrent à la conception de produits, logiciels qui permettent d’endiguer le “fléau” rencontré par les grands acteurs du télémarketing, de l’énergie ou de l’assurance ou du crédit à la consommation : l’injoignabilité croissante des consommateurs. Ceux-ci, de plus en plus irrités par les techniques parfois sauvages des démarcheurs, comme dans le secteur de la formation, du CPF, ont pris l’habitude de filtrer leurs appels, une tendance qui n’a pas échappé à l’Insee. 1/3 des français, dans certaines tranches d’âge, ne décrochent plus lorsqu’ils sont appelés par un numéro qu’ils ne connaissent pas.
« Nous émettons environ 1 Million d’appels par jour, pour proposer des abonnements dans différents secteurs, nous menons environ 15 000 entretiens argumentés pour aboutir à 1000 ventes fermes par jour ». Quand on croise le jeune président d’Affinicia, une entreprise qui conçoit des comparateurs et génère des leads intentionnistes pour des acteurs de l’énergie notamment, on rentre très vite dans le cœur du sujet, les chiffres. Depuis trois ans, la PME a conquis plus d’un million de clients, qu’il apporte presque sur un plateau, à des acteurs tels que TotalEnergies, SFR etc. « Notre métier est simple mais très technique : nous sollicitons avec un panel de call-centers spécialisés en télé-vente et téléprospection, environ 1 million de consommateurs par jour. Lorsqu’ils décrochent, tout se joue en 3 ou 4 minutes mais les premiers instants de la conversation sont décisifs : le message de présentation, la présentation de l’objet de l’appel, la découverte et la re-formulation des besoins sont cadrés et joués, comme une partition de Philip Glass. On répète, on répète, on répète… »
Mais ce que ne cache pas Florian, c’est qu’un score l’inquiète, lui et ses rares concurrents en France (Papernest, Marketshot) : « nous avons de plus en plus de mal à joindre les prospects. En raison de l’évolution des modes de travail, du large usage des téléphones mobile et de l’inefficacité de systèmes tels que Bloctel (la liste d’opposition au démarchage téléphonique), les ménages français ont adapté leurs pratiques ». « Je ne décroche jamais mon téléphone dans ma résidence secondaire, indique Caroline, ceux que j’ai besoin de joindre ont et connaissent mon numéro ».
C’est à Vannes, à Tanger et dans deux rues passantes de la banlieue parisienne que se raffinent ou sont utilisés les produits et services pour dynamiser les ventes en ligne : les leads intentionnistes, les software qui permettent de s'adapter cette évolution
« En téléprospection, vous ne pouvez pas mettre la baguette à 0,29 cts d’euro pour créer du trafic dans votre magasin, indique Lounis Goudjil, le patron de Manifone ; mais ce que vous pouvez faire, c’est optimiser l’efficacité du travail des agents de télé-vente et agir de telle façon qu’ils consacrent le plus de temps à dialoguer avec des prospects intéressés plutôt qu’avec des répondeurs ». Bien que la recette Manifone soit aussi secrète que celle du concentré qui sert aux embouteilleurs à faire du Coca Cola, les équipes de développeurs de la PME, en partie localisées en Serbie, ont identifié les spécificités de fonctionnement des systèmes de répondeurs utilisés par chacun des opérateurs Orange, SFR, Bouygues Tel, Free. « Pour chaque opérateur, lorsqu'un de nos clients utilise un système de numérotation prédictive pour appeler un prospect, le retour de signalisation technique que nous recevons est différent selon que l'appel tombe sur un répondeur ou sur un humain. Comme nous sommes opérateur télécom, nous savons que derrière un 06 que l’un de nos clients tente de joindre c’est par exemple un abonné Orange qui peut répondre. L'enjeu est de ne transférer aucun répondeur aux agents sur le plateau. Le cas inverse fait que l'agent dialogue avec une messagerie. C’est frustrant et du temps est perdu. Le fait également que notre système de détection de répondeurs est quasi-instantané permet un déroulé beaucoup plus fluide, équivalent à de l'appel émis en manuel ».
Une étude menée en situation réelle chez un des leaders européens du BPO et du télé-marketing a permis d’identifier que 12% du temps de travail des agents pouvait être consacré à ces conversations menées sans issue positive possible.
Appeler des consommateurs intéressés.
En amont de l’appel, l’autre piste de travail consiste, et vous allez dire que c’est élémentaire, mon cher Watson, à solliciter des personnes qui se sont déclarées intéressées, par un changement de fournisseur, un projet de rénovation.
Quatre grands acteurs français en ont fait leur métier et y réussissent avec brio, dont : Tagada Media, créée par Eric Benephtali et Jonathan Zisermann, et Hipto, également créée par un duo de jeunes rompus aux techniques du digital (Kilian le Menestrel et Léo Hauet). C’est grâce à des jeux concours et des loteries que les équipes de Tagada identifient chaque jour une dizaine de milliers de prospects en pleine réflexion, quant à un changement d’assureur ou d’opérateur. A Boulogne-Billancourt, chez Hipto, c’est grâce à des snacks vidéos que Léo et Kilian raffinent l’or blanc. Elles sont publiées sur Facebook, sont conçues pour attirer l’attention du prospect qui va, après l’avoir visionnée, confirmer son intérêt et laisser ses coordonnées.
« Ces deux prestataires opèrent de façon différente mais ce qui les distingue des autres brokers en leads, c’est la rigueur de leur technique et leur capacité industrielle. Ils ont piloté des centres d’appels, ils savent qu’on ne s’amuse pas avec les techniques d’opt-in. Les grandes sociétés comme les nôtres ont certes besoin de clients, d’en acquérir mais on n’a pas envie de faire la une des journaux avec des techniques de sollicitation qui peuvent vous exploser un jour au visage » précise un directeur commercial qui les utilise. Un dernier indice dénote que le déclenchement d'une opportunité de conversation est devenu la martingale, qu'il faut traduire ensuite en vente conclue. “Et pour ça, la vidéo peut devenir un des nouveaux standards, en acquisition ou en rétention”. Celui qui parle ainsi est l'une des figures de ce métier, Anthony Dinis, qui se consacre désormais à sa nouvelle passion Opportunity. Et aux nouveautés produit que son équipe imagine. Pour vendre à distance, il faut dialoguer, idéalement avec des prospects intéressés, et des méthodes adaptées. Voilà vingt cinq ans que le fondateur de Vocalcom est positivement obsédé par le sujet.
Découvrez la suite de l’enquête et du dossier du mois, dans le numéro d’En-Contact 124 : la connaissance client, c’est bien et si on parlait de la connaissance des prospects. La rédaction est allée également rencontrer l'équipe de chercheurs qui augmente le sourire au téléphone. Très sérieusement !
Ici le calendrier rédactionnel du magazine.
Manuel Jacquinet
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