By akademiotoelektronik, 14/11/2022
A.I. (Artificial Intelligence) - la critique + test DVD
L’un des bides de Spielberg, d’après un sujet abandonné par Kubrick.
L’argument : Dans un XXIe siècle, où la fonte des glaces a submergé la majorité des terres habitables et provoqué famines et exodes, les robots sont devenus une composante essentielle de la vie quotidienne et assurent désormais la plupart des tâches domestiques.Pourtant, le professeur Hobby veut aller encore plus loin en créant le premier androïde sensible : un enfant capable de développer un vaste répertoire d’émotions et de souvenirs.Peu après cette annonce, David, un robot de onze ans, fait son entrée chez Henry et Monica Swinton, un couple dont le jeune fils a été cryogénisé en attendant la découverte d’un remède pour guérir sa grave maladie. Bientôt abandonné par sa mère adoptive, David entame un périlleux voyage à la recherche de son identité et de sa part secrète d’humanité.
Notre avis : Steven Spielberg devait-il succéder à Stanley Kubrick pour réaliser A.I. (Artificial Intelligence) ? On est en droit de se poser cette question tant leurs univers respectifs diffèrent : le premier a toujours fait preuve de compassion, voire de sentimentalisme, dans ses films (E.T., Always, Amistad) , alors que le second s’est toujours évertué, avec beaucoup de cynisme, à dénoncer les travers de l’homme (sa violence dans Orange mécanique, sa désincarnation dans Full metal jacket, etc). Dès lors, une fois que l’on a vu A.I.,une seule question subsiste : comment feu Stanley Kubrick aurait traité cet ambitieux sujet qu’est A.I. ?Rappel des faits. En 1969, Brian W. Aldiss rédige une nouvelle intitulé Super-Toys Last All Summer Long. Il y décrit les difficultés d’un enfant-robot à se faire aimer par sa mère humaine. Fasciné par l’intelligence artificielle, Kubrick en achète les droits, dix ans plus tard, en vue de l’adapter pour le cinéma. La Warner Bros., sa fidèle société de production, donne son feu vert pour la mise en chantier du projet. Kubrick et, fidèle à son légendaire perfectionnisme, fait construire un enfant-robot, afin de maîtriser le problème de croissance d’un véritable acteur. Le prototype s’avère finalement décevant, il manque de fluidité donc de crédibilité. Kubrick vise la perfection, A.I. est donc mis entre parenthèses.Il faudra attendre 1993 et l’avènement de l’infographie avec Jurassic Park pour que Kubrick décide de relancer son Artificial Intelligence. Entre temps, il s’est investi dans un autre projet de longue date : Eyes Wide Shut. Ce sera son dernier film. Tenu au courant depuis l’origine du projet A.I., Steven Spielberg accepte de reprendre le flambeau, à la demande de Christiane Kubrick, la veuve du réalisateur. Kubrick s’est peut-être trouvé un remplaçant de luxe mais pas forcément un fils spirituel.L’histoire de A.I. reprend les grandes lignes de Super-Toys, agrémentée malheureusement de cette guimauve propre à Spielberg. David, le premier méca-enfant (diminutif de "mécanique"), est programmé pour aimer. En revanche, l’homme n’est pas encore prêt à lui retourner cet amour. Rejeté par un couple, David partira à la recherche d’une entité capable de le transformer en véritable petit garçon... Le film se compose ainsi de trois parties, construction chère à Kubrick : la première suit l’évolution de David dans ce foyer, la deuxième son parcours initiatique et la dernière, sous forme d’épilogue lacrymal, l’aboutissement de sa persévérance.Là où Kubrick avait tendance à déranger son public, Steven Spielberg se contente de le rassurer, accumulant des morceaux de sentimentalisme exacerbé (la scène de la forêt entre David et sa mère) ; on contemple une version de Pinocchio, certes luxueuse mais vaine. Il fallait plusieurs lectures pour déchiffrer les propos de Kubrick, il ne vous en faudra qu’une seule pour comprendre la réflexion de Spielberg sur l’avenir de l’humanité - l’unicité de chaque homme grâce aux sentiments en est l’un des thèmes majeurs. Restent quelques scènes d’une beauté époustouflante : le survol de la ville de New-York prisonnière des glaces par exemple. A retenir aussi la performance du jeune Haley Joel Osment, autre point positif de cet événement avorté. Déjà remarquable dans Sixième sens, il sidère une fois de plus en enfant-robot et ajoute une pierre supplémentaire à son édifice. Ces maigres éléments ne suffisent à sauver A.I. de sa dégoulinante naïveté. L’une des qualités majeures des films de Kubrick reposait sur les multiples interprétations qu’ils proposaient, ainsi que leur aptitude à mûrir avec leur public. Ce ne sera certainement pas le cas de A.I. vu par Spielberg.
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