Par akademiotoelektronik, 18/01/2023
Transport : La construction d'un grand voilier-cargo moderne lancé par les Bretons de la Towt
Changement d’échelle pour la Transocéanic Wind Transport (Towt). Lancée en 2011 à Douarnenez (Finistère) par Guillaume Le Grand et Diana Mesa, l’entreprise fait le pari de réhabiliter la voile pour le transport de marchandises. Et ce à l’ère des giga porte-conteneurs, dont les plus gros font 400 mètres et embarquent en un voyage plus de 20.000 conteneurs… Mais qui carburent très majoritairement au fioul lourd, un carburant fossile, si bien que le transport maritime internationalgénère 2 à 3 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre et contribue, de façon non négligeable, à la pollution atmosphérique.
Pour sa part, la Towt met à contribution le vent et les vieux gréements que Guillaume Le Grand et Diana Mesa affrètent pour l’occasion. En une dizaine d’années, les Bretons comptabilisent près 2.000 tonnes de marchandises convoyées par les mers.
Des vieux gréements qui ont permis de tâter le terrain
Dans les cales, on trouve tantôt du café et du cacao du Mexique, du rhum de Marie Galante, des vins de Madère ou de Bordeaux, de l’huile d’olive du Portugal, du thé vert des Açores, de la bière de Cornouailles. La Towt transporte ces marchandises de part et d’autre de l’Atlantique, de la Manche et de la mer du Nord pour le compte de marques soucieuses de réduire l’impact carbone des produits qu’elles importent, et qui valorisent alors cette démarche en apposant le label Anemos sur leurs produits.
« Ces vieux gréements sont peut-être des anachronismes, concède Guillaume Le Grand. Mais ils ont l’intérêt d’exister et de permettre de transporter, pour les plus capacitaires, jusqu’à 120 tonnes de marchandises de façon décarbonée. » Ils ont aussi permis à la Towt de tâter l’appétence des marques et du public vis-à-vis du fret à voile.
Un voilier-cargo dernier cri pour 2023
L’entreprise finistérienne passe désormais à la vitesse supérieure. Depuis 2017, elle songeait à se doter d’un premier voilier-cargo moderne, mettant à profit les dernières technologies de navigation. Ce mercredi, elle a annoncé confier sa construction au chantier naval Piriou, basé à Concarneau (Finistère toujours) , et a présenté les contours de ce futur navire, dont la livraison est prévue pour le second semestre 2023.
La future goélette, longue de 81 mètres, pourra transporter jusqu’à 1.100 tonnes de marchandises. Cela reste une goutte d’eau par rapport aux porte-conteneurs. Mais pour l’entreprise finistérienne, le changement d’échelle est drastique puisque en deux voyages avec ce nouveau navire, elle devrait transporter autant de marchandises qu’elle l’a fait depuis 2011. « Il nous fallait un navire ni trop grand, ni trop petit pour répondre aux besoins de chargeurs [clients] industriels, sans pour autant être trop cher et donc risqué à construire », détaille Guillaume Le Grand.
Autre détail qui compte : la vitesse. 2.500 m² de surface de voiles feront avancer le navire. Elles seront réparties sur deux mâts. « On partait initialement sur trois mâts avant de se rendre compte que le troisième renchérissait le coût du navire pour un gain de "poussée" limité », détaille Stéphane Burgaud, directeur des ventes de Piriou. Sa vitesse moyenne avoisinera 10,5 nœuds [environ 20 km/h], « ce qui lui permettra de passer du Havre, où la Towt a désormais ses principaux quartiers, à New York en treize jours et du Havre à la Colombie en quinze jours », détaille Guillaume Le Grand. La Towt ne serait alors plus très loin du rythme de croisière des porte-conteneurs, d’autant plus que ces derniers tendent à réduire leur vitesse (et sont incités à le faire), tant pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre que pour économiser un carburant de plus en plus cher.
Amérique, Afrique du Sud… mais aussi Shanghai
Sinon, Guillaume Le Grand décrit son futur bateau amiral comme « smart », « truffé d’innovations et combinant des technologies de la course au large, de la plaisance, de la pêche professionnelle » « Il sera possible, par exemple, de maîtriser la qualité de l’air des cales pour assurer les meilleures conditions pour le transport de marchandises, détaille-t-il. La navigation s’appuiera également sur un système de gréement semi-automatisé, si bien qu’un équipage de sept marins suffira pour faire fonctionner le navire. »
La goélette sera également dotée d’un système d’hydrogénération, qui permettra d’utiliser l’énergie du sillage [la trace qu’un bateau laisse derrière lui à la surface de l’eau] pour produire une partie de l’électricité utilisée à bord, à partir de la rotation des hélices moteurs débrayés. Car oui, ce voilier-cargo aura deux petits moteurs diesel. « Ils seront utilisés pour les manœuvres et approches portuaires pour des raisons de sécurité, explique Guillaume Le Grand. Mais dans 95 % du temps, ce sont bien les voiles qui feront le travail. »
20.000 tonnes de marchandises transportées par an
Ce voilier-cargo permettra de réduire de plus de 90 % les émissions de CO2 liée au transport maritime des marchandises par rapport à l’option classique du porte-conteneurs, assure la Towt. Soit d’économiser 20 g de CO2 par tonne transportée et par kilomètre, dit-elle encore.
Le navire est conçu pour passer 320 jours en mer par an. La Towt prévoit de lui faire faire trois liaisons vers l’Amérique du Nord, trois vers l’Amérique centrale et trois autres vers l’Afrique du Sud. « Plus un voyage jusqu’à Shanghai, en 55 jours, pour le compte d’une maison de Cognac à l’aller et d’une grande marque de textile française au retour », glisse Guillaume Le Grand. Via ces vingt traversées, la Towt prévoit de transporter 20.000 tonnes de marchandises chaque année, et d’économiser 3.000 tonnes de CO2.
Juste un début ?
Juste un début ? Il y a peu encore, Guillaume Le Grand et Diana Mesa évoquait la construction non pas d’un voilier-cargo moderne, mais de quatre. « C’est toujours notre objectif, lance le cofondateur de la Towt. Nous avons des propositions commerciales qui offrent des flux et des fréquences suffisantes pour faire fonctionner quatre navires. Et fonctionner en "flotte" permettrait justement de mieux répondre à ce besoin de fréquence qu’ont certains de nos clients. »
La Towt n’est pas la seule à miser sur un retour dans le vent du transport de marchandise à la voile. En France, les Morlaisiens (Finistère, décidément) de Grain de Sail et les Nantais de Neoline sont aussi sur le coup, pour ne citer qu’eux. Les premiers ont déjà mis à l’eau un voilier-cargo moderne et bouclé deux transatlantiques l’an dernier (une troisième est en cours). Le navire est de plus petite capacité (50 tonnes) et sert notamment à aller chercher des tonnes de cacao en Amérique centrale, que Grain de Sail ramène ensuite en Bretagne pour le transformer en tablettes.
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