Par akademiotoelektronik, 06/08/2022
Abandonné depuis quatre ans à bord d’un cargo, un marin retrouve enfin sa liberté
Par Sarah CAILLAUD
Son escale imprévue s’est transformée en un cauchemar qui aura duré près de quatre ans. Le calvaire de Mohammed Aisha, a pris fin la semaine dernière, raconte la BBC qui avait déjà consacré une vidéo, le 6 avril, au sort réservé à cet homme abandonné de tous.
Coincé à bord du MV Aman, un navire marchand, ce marin syrien a pu retrouver sa liberté, et, ramené par avion dans son pays, il a pu revoir ses proches avec « beaucoup d’émotion ».
Il avait embarqué en mai 2017, mais son cargo, battant pavillon bahreïnien, avait été forcé de jeter l’ancre deux mois plus tard, au large des côtes égyptiennes, près du port d’Adabiya. Le navire a été saisi par les autorités à cause d’équipements de sécurité obsolètes et de certificats périmés.
L’affaire aurait pu facilement se résoudre mais l’armateur libanais n’a pas payé le carburant et les propriétaires au Barheïn se trouvaient en difficulté financière.
Désigné responsable du cargo
Le porte-conteneurs et ses marins ont donc été abandonnés et en l’absence du capitaine égyptien du navire qui était déjà à terre, un tribunal local a déclaré Mohammed Aisha, qui était le second du bateau, tuteur légal du MV Aman.
Une décision que le marin, privé de salaire et de passeport, a signée sans en prendre tout de suite la pleine mesure. Il a compris son calvaire quand il a vu les autres membres d’équipage partir un à un en 2019 et qu’il s’est retrouvé coincé, seul, à devoir surveiller le navire déserté, sans électricité ni sanitaires, poursuit la chaîne de télévision britannique.
Deux options avaient été avancées récemment pour le libérer : soit le marin était remplacé, soit le bateau était racheté. Mais la compagnie Tylos Shipping and Marine Services, propriétaire du cargo, qui a affirmé à la BBC avoir tenté de régler le problème, a indiqué qu’elle ne pouvait pas « forcer un juge à retirer la responsabilité légale du navire à Mohammed Aisha » et qu’elle n’avait « trouvé personne pour le remplacer ».
Aux premières loges lors du blocage de l’Ever Given
L’attente sur le cargo, qui a finalement été mis aux enchères en mars dernier, a donc duré quatre ans. Quatre longues années pour le marin abandonné avec pour seule occupation de regarder les navires entrer et sortir du canal de Suez, tout proche.
Mohammed Aisha a ainsi régulièrement vu passer son frère, marin aussi, et a même été un témoin privilégié du chaos causé par l’Ever Given bloqué en travers de cette route maritime très fréquentée, le mois dernier.
La nuit, les choses étaient différentes. Il a raconté qu’une fois le soleil couché, le navire ressemblait à une tombe, car « on ne voit rien et on n’entend rien ». Il a d’ailleurs craint pour sa vie en mars 2020, quand une tempête a arraché le MV Aman à son ancrage.
Le navire a alors dérivé sur huit kilomètres, pour finalement s’échouer à quelques centaines de mètres du rivage. Un événement qui a permis à Mohammed Aisha de sortir un peu de « sa prison ».
D’autres navires abandonnés
Le marin pouvait gagner le rivage à la nage tous les deux ou trois jours, pour acheter de la nourriture mais aussi recharger son téléphone.
Un outil précieux qui lui a permis de rester tout ce temps en contact avec sa famille et de tenir bon. Car durant cette odyssée sans fin, le Syrien, qui a appris le décès de sa mère, a avoué au média britannique « avoir sérieusement pensé mettre fin à ses jours ».
Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, Mohammed Aisha n’est malheureusement pas le seul à le vivre cet enfer. Les abandons de marins sont fréquents et en augmentation, précise la BBC.
« Selon l’Organisation internationale du travail, il existe plus de 250 cas actifs dans le monde où des équipages sont tout simplement abandonnés à leur sort. » Celle-ci dénombre 85 nouveaux cas signalés en 2020, soit deux fois plus que l’année précédente.
Lire aussi : Cinq marins piégés à bord de leur pétrolier depuis près de quatre ans
La nécessité d’un débat sur ces histoires tragiques
Cette histoire tragique a ému la Fédération internationale des ouvriers du transport, qui a pris en charge le cas du Syrien en décembre.
Un de ses représentants a déclaré que « ce cas devait servir à ouvrir un débat sérieux pour empêcher ces abus à l’encontre des marins sur les navires ». Un débat qui « doit impliquer les armateurs, les autorités portuaires et maritimes et les États du pavillon ».
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