Par akademiotoelektronik, 27/03/2023
France Relance, un plan de 100 milliards d'euros pour éviter le décrochage économique
Article actualisé jeudi 3 septembre à 15h30
Transition écologique, transformation de l'industrie et cohésion sociale et territoriale. C'est le tiercé gagnant du plan de relance présenté par le gouvernement ce 3 septembre 2020 à l'issue du Conseil des ministres. Baptisé « France Relance », il pèsera près de 100 milliards d'euros, après les 470 milliards d'euros déjà engagés depuis le confinement, consacrés à l'activité partielle qui a concerné 8 millions de salariés, le prêt garanti par l'Etat et les divers plans sectoriels (aéronautique, automobile, tourisme, ...).
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40 milliards viennent de l'UE
Investis entre fin 2020 et fin 2022, ces 100 milliards d'euros qui seront inscrits dans le projet de loi de finances pour 2021 représentent l'équivalent de 4 points de PIB, soit quatre fois le plan de relance de 2008 et, sera, selon le Premier ministre, « le plan plus massif annoncé à ce jour parmi les grands pays européens ». Si 40 milliards viennent de l'Union européenne, « la quasi-totalité des dépenses n'aura pas de caractère pérenne » à l'exception des impôts de production. La moitié du plan sera donc financé par l'Europe, qui contribue ainsi à la relance de l'économie française.
4 point de PIB, c'est l'équivalent de la perte de richesse induite par la crise de la Covid-19, et Matignon compte bien sur l'effet de levier généré par ces 100 milliards, sur l'investissement public et privé, afin de rattraper d'ici fin 2022 le niveau de PIB de fin 2019. Et éviter un décrochage durable de l'économie française. Face aux critiques de ceux qui pensent que même 100 milliards sont insuffisants pour tenir cet objectif, Bercy est confiant. Le calibrage du plan est « à la bonne hauteur » et « conforme à ce qu'avait recommandé en juillet le Conseil d'analyse économique ».
Autre enjeu porté par le plan, être « soutenable » alors que la dette publique atteindra fin 2020 le niveau record hors temps de guerre de 120% du PIB. A Matignon, on assume : « la pire des options aurait été de ne rien faire. Quand on perd 4 point de PIB, c'est un affaiblissement considérable ». Selon Jean Castex, la dette supplémentaire engendrée par le plan sera résorbée à partir de 2025, grâce aux effets de levier sur la croissance potentielle. Autre promesse, qui n'engage pas une éventuelle nouvelle majorité après 2022, « le retour à l'équilibre des finances publiques ne se fera pas par des hausses d'impôts, mais par le rattrapage de la croissance perdue ».L'idée est de tenir une double promesse : relancer l'activité et l'emploi à court terme tout en préparant l'horizon de la France de 2030, comme l'a demandé le chef de l'Etat. Bref, agir « immédiatement » pour soutenir l'emploi et protéger les compétences et orienter l'économie vers les secteurs et les métiers d'avenir, en coordination avec les territoires. Pour faire de cette crise « une opportunité de transition vers les emplois de demain », le plan repose sur trois piliers qui bénéficieront chacun d'environ un tiers des dépenses : 30 milliards d'euros pour le verdissement, 35 milliards pour la compétitivité et les relocalisations et 35 milliards pour la cohésion sociale et territoriale. "Le plan produira des effets concrets et perceptibles par le plus grand nombre" s'est engagé Jean Castex avec pour "priorité absolue" l'emploi. L'objectif, a assuré le Premier ministre sur RTL, est d'avoir des résultats rapides : il escompte 160.000 créations d'emplois dès 2021, alors que 800.000 emplois risquent d'être détruits dés cette année.
Avec ce plan, l'idée est de provoquer un électrochoc : "j'appelle toutes les Françaises et les Français à avoir confiance dans le redressement du pays". Comme un mantra, le Premier ministre comme le ministre de l'Economie des Finances et de la Relance, Bruno Le Maire l'ont répété : "on va y arriver". Au total, en injectant 100 milliards d'euros sur deux ans dans l'économie alors que la France accusera une récession de 11% cette année, le gouvernement veut créer un choc de confiance, pour les ménages en les incitant à dépenser les 100 milliards d'épargne accumulés pendant les mois de confinement, et les entreprises dont Bercy redoute qu'elles donnent un coup de frein à leurs investissements.
30 milliards pour la transition écologique
Dans le détail, 30 milliards d'euros seront mis au service de la transition écologique. « C'est ce qui est nécessaire pour être sur la bonne trajectoire de la neutralité carbone » a souligné la ministre de la Transition écologique et solidaire Barbara Pompili. Elle a salué "un pas de géant" vers la transformation verte du pays. D'autant que selon elle, il faut ajouter à ces 30 milliards, les sommes consacrés à la formation aux métiers de l'environnement, ainsi que les effets induits des relocalisations sur la baisse des émissions de carbone "importées". Sur ce total, 11 milliards seront affectés aux transports, dont la moitié au ferroviaire, aux transports en commun, au vélo et aux bornes de recharge, et 7 milliards au bâtiment et à la rénovation énergétique. Précisément, 4 milliards d'euros financeront la rénovation des bâtiments publics (Etat, collectivités) et 2 celle des logements.
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Dans ce domaine, l'aide sera concentrée sur le dispositif MyPrimeRénov'. Destiné aux particuliers, sans conditions de ressources a priori, ce produit de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) sera accessible à l'ensemble des Français dès le 1er janvier 2021 « en ciblant la rénovation globale ». 500 millions d'euros iront, eux, aux réhabilitations lourdes du parc social. De même que 200 millions à destination des TPE-PME et qu'une ligne de crédits, prévue par le Ségur de la Santé, sera fléchée vers les hôpitaux et les EHPAD.
Toujours dans cette enveloppe de 30 milliards, 9 milliards d'euros bénéficieront à la décarbonation de l'industrie. Par exemple, 2 milliards d'euros serviront au « décollage » de la filière de l'hydrogène vert, c'est-à-dire dont l'électricité est d'origine renouvelable. Le programme des investissements d'avenir ajoutera 5 milliards d'euros sur la décennie, ce qui fera un total de 7 milliards (à comparer aux 9 milliards qu'y consacre notre voisin allemand). Concernant la transition agro-écologique, le plan prévoit 1,2 milliard d'euros en faveur du bio, des circuits courts et l'agriculture HVE3 à haute valeur environnementale. Enfin, 2 milliards iront pour la biodiversité, l'économie circulaire et la résilience. 300 millions permettront ainsi d'accompagner des travaux de refonte de réseaux d'eau et/ou d'assainissement.
34 milliards pour la compétitivité et la souveraineté
La compétitivité de l'industrie et la relance de l'investissement, que pilotera Bercy, représente un autre paquet de dépense, de 34 milliards d'euros sur deux ans. 20 milliards seront pérennisés avec la baisse de 10 milliards d'euros en 2021 puis en 2022 des impôts de production. « Elle sera concentrée sur l'industrie et les ETI, le maillon faible de l'économie française », justifie Bruno Le Maire. Elle sera compensée pour les collectivités locales et sera concentrée en trois mesures fiscales : la baisse de 50% de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) pour 7,25 milliards, la baisse de 50% de la taxe foncière pour 32.000 entreprises, soit 1,75 milliards, et la baisse du plafonnement de la contribution économique territoriale de 3 à 2% sur la valeur ajoutée, soit 1 milliard. « Le gain bénéficiera à 42% aux ETI, à 32% aux PME-TPE et à 26% des grands groupes », explique Bercy.
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Quant aux 3 milliards d'euros de renforcement des fonds propres des entreprises, ils se traduiront notamment sous la forme de garanties d'un montant total de 3 milliards d'euros pour transformer les prêts garantis par l'Etat en prêts participatifs de long terme. Les fonds d'investissement pourront aussi participer à cette consolidation de l'endettement du secteur privé grâce à un volant supplémentaire de garanties à hauteur de 1 milliard d'euros.
Les territoires d'industrie seront au cœur de la relance, avec près d'1,6 milliards d'euros de subventions à l'investissement pour des projets situés sur ceux-ci. Sans compter 11 milliards d'euros de dépenses nouvelles dans le cadre du Programme d'investissements d'avenir (PIA) 2021-2022. Cela ciblera en particulier, outre le plan Hydrogène, les nouvelles énergies biosourcées et les nouveaux matériaux recyclés, la décarbonation de l'industrie, et les technologies du futur comme la cybersécurité, l'intelligence artificielle, le Cloud et le quantique ainsi que la santé et les biotechs.
La transformation numérique de l'économie ne sera pas en reste : 1,6 milliard d'euros seront consacrés à la numérisation de l'Etat et des territoires, 385 millions d'euros pour la transition numérique des TPE-PME, ou encore 500 millions d'euros pour le déploiement du très haut débit, fibre et mobile.
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36 milliards pour la cohésion sociale et territoriale
Pour panser les plaies de la crise, la ministre du travail Elisabeth Borne disposera d'une enveloppe de 36 milliards d'euros qui seront à la fois destinés à la prolongation de l'activité partielle dans des accords négociés et à investir massivement dans l'adaptation des compétences aux métiers de demain. Un « plan jeunes » comportera ainsi 4.000 euros de compensation de charges pour une société qui veut engager un jeune homme ou une jeune femme. "Jamais il n'a été aussi peu cher d'embaucher un apprenti" a martelé le Premier ministre qui appelle les entreprises à "jouer le jeu", alors qu'aucune conditionnalité n'a été imposée aux aides. 200.000 places de formations supplémentaires, par exemple dans la transition énergétique ou la transformation numérique, dont 100.000 places « gratuites », seront par ailleurs proposées. Plus généralement, 1 milliard d'euros sera débloqué pour « aider les salariés et les demandeurs d'emplois ».
L'objectif est de trouver une solution pour les 750.000 jeunes qui vont arriver sur le marché du travail au moment d'une crise économique sans précédent. C'est sans doute la dimension sociale la plus spectaculaire du plan : orienter les parcours et les formations professionnelles vers les métiers que le plan de France Relance veut encourager : emplois verts dans l'environnement, emplois « gris » dans les métiers du soin et du « care ». « Notre objectif est de répondre à la quête de sens des jeunes générations », indique-t-on dans l'entourage de la ministre du Travail, Elisabeth Borne.
Enfin, 7,6 milliards d'euros seront mobilisés pour un bouclier antichômage afin de permettre aux secteurs les plus fragilisés de traverser la crise sans perdre en compétences comme on l'a vu avec la désindustrialisation du pays. Une combinaison d'activité partielle de longue durée (6,6 milliards) et de formations ciblées (1 milliard) seront adossées à des accords d'entreprise pour créer des parcours de reconversion et d'adaptation des emplois. Les employeurs devront s'engager à maintenir un minimum de 60% d'activité pour en bénéficier. Le Premier ministre organisera en octobre une conférence du dialogue social pour enclencher le mouvement alors que les difficultés économiques risquent de s'aggraver dans nombre de secteurs frappés de plein fouet par la crise.
Partenariats public-privé et Etat-collectivité locale
Reste le risque de voir cette usine à gaz de près de 70 programmes différents portant sur une somme aussi considérable se perdre dans les sables de l'Etat profond et de la bureaucratie tatillonne dont la France est une championne du monde. Conscient de ce risque, le Premier ministre présidera lui-même un comité interministériel mensuel de suivi du plan de France Relance. Les 100 milliards d'euros seront inscrits dans une mission interministérielle unique a précisé Bruno Le Maire, qui assurera un pilotage hebdomadaire.
Autre innovation, des sous-préfets chargés de la relance piloteront les programmes afin d'assurer une égalité d'accès sur tous les territoires. Les administrations concernées seront jugées aux résultats : « si un programme tarde à se concrétiser ou prend trop de retard pour des lourdeurs administratives, l'Etat procédera à une ré-allocation des ressources vers d'autres priorités », prévient-on à Matignon. Avec cette "clause d'extinction", le Premier ministre veut responsabiliser les ministères.
Dernier point à prendre en considération : la dimension partenariale, public-privé et Etat-collectivité locale, visera à amplifier l'impact du plan en jouant sur l'effet de levier. La territorialisation du plan sera la règle, à chaque fois que cela sera possible a promis Jean Castex qui espère que les "cent fleurs" vont éclore dans toute la France pour proposer des initiatives. Le Premier ministre réunira à cet effet dès la semaine prochaine les présidents de région afin de les inciter à démultiplier l'impact du plan à l'aide de leurs propres outils d'intervention. L'idée est de parvenir à une contractualisation Etat-collectivités programme par programme. Des échanges ont commencé avec les associations d'élus et des premières signatures auront lieu dans les quinze prochains jours. Peut-être sera-t-il question de l'état des ponts, pour lesquels 350 millions d'euros ont été provisionnés.
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Philippe Mabille et César Armand11 mn
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