Par akademiotoelektronik, 06/03/2023
24h du Mans 1991 : les coulisses de la victoire Mazda – 1/2
La route vers la victoire dans la Sarthe démarre en Belgique, en 1981. Les 24 heures de Francorchamps sont alors la course référence pour les voitures de tourisme. Cette année là, Pierre Dieudonné était au volant d’une Mazda RX-7 à moteur rotatif préparée en Angleterre chez le pilote-préparateur Tom Walkinshaw : « Je me souviens d’un relais en fin de nuit, explique le Belge, Tom me laisse la voiture. J’avais remarqué que la boîte de vitesse accrochait. Je lui demande : « on est deuxième, c’est inespéré. Est-ce qu’on assure ? » « Non, me répond-t-il, tu prends 500 tr/min de plus avant de changer de rapport : on casse ou on gagne » ». Les BMW cèdent face à cette auto de Division 2. L’agile et sonore RX-7 permet à Mazda de remporter sa première course d’envergure internationale.
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Quelques mois plus tard, le pilote belge est convoqué au salon de Tokyo pour célébrer la victoire et serrer des mains. Il y rencontre Takayoshi Ohashi, patron de Mazdaspeed. Cette grosse concession de la capitale nippone possède un département compétition. Et l’homme entend créer un petit prototype – adapté à la nouvelle catégorie C-Junior, l’équivalent de nos LMP2 – pour le championnat du monde d’endurance et les 24 heures du Mans. Mazda avait trempé un doigt de pied dans la Sarthe, une décennie plus tôt, avec des moteurs à pistons rotatifs montés sur des châssis Lola puis Sigma.
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Le premier ballon d’essai de Mazdaspeed est la 717 C. L’engin aux formes de silure est conçu dans les ateliers du spécialiste nippon Mooncraft. Le bi-rotor de la RX-7 est poussé au-delà des 300 chevaux. Dans chaque chambre, on trouve un « piston » triangulaire (le rotor) transmettant l’énergie produite par la combustion du carburant à l’arbre moteur via un maneton. La solution est compacte et réduit les frottements. « Il était à toute épreuve, se souvient Pierre Dieudonné. La seule chose qui pouvait poser problème, c’était un sur-régime en ratant une vitesse. Si vous dépassiez les 9 000 tr/min, vous risquez d’endommager un segment d’arête dans la chambre de combustion ». Heureusement, cela n’arrive pas aux 24 heures du Mans 1983, Takashi Yorino, Yōjirō Terada et Yoshimi Katayama parviennent à remporter la catégorie C-Junior… à 68 tours de la Porsche victorieuse au général.
« L’élément moteur du programme a toujours été Monsieur Ohashi, patron de Mazdaspeed, avec son pilote emblématique Yōjirō Terada. C’étaient eux qui allaient nouer des contacts, chercher des budgets, obtenir de l’aide technique. Mais pendant les premières années ces efforts étaient morcelés« .
Photo : Mazda
Au cours des années suivantes, le soutien du siège, à Hiroshima, s’accroît. Dans la Sarthe, la marque figure parmi les élèves appliqués. Les 757 puis 767 et 767B figurent souvent à l’arrivée (7e place en 1987 et 1989), mais en retrait par rapport à la bataille opposant les géants automobiles : Porsche, Jaguar, Sauber-Mercedes puis Toyota et Nissan… Mais la note suraiguë du moteur rotatif en fait l’une des autos les plus populaires auprès du public.
Le rotatif en sursis
La fin de la décennie apporte de grands changements. Le mur de Berlin tombe, le marché immobilier japonais s’effondre (précipitant l’archipel dans la crise économique) et la Fédération internationale du sport automobile entend mettre fin à la règlementation Groupe C et à ses plafonds de consommation. Les futurs prototypes du tout nouveau championnat du monde des voitures de sport – notez la disparition du terme endurance – seront basés sur des moteurs conventionnels 3.5-litres atmosphériques issus de la F1. Le temps presse pour le programme rotatif Mazda.
Yasuo Tutsotomi – patron de l’ingénierie et du plan produit Mazda – a pris les rennes quelques mois plus tôt. Il engage des yens et exige des motoristes un bond de 100 chevaux sur le quadri-rotor 13J atmosphérique. Engagé en freelance, l’ingénieur britannique Nigel Stoud dessine la 787 : « Le problème était toujours le packaging, expliquait ce pionnier de la conception assistée par ordinateur à nos confrères d’Autosport en 2018. Le moteur était aussi long qu’un 6-cylindres en ligne ». Le R26B développe environ 700 ch en configuration course. Cinq ans après Jaguar et sa XJR-6, Mazda adopte (enfin) la monocoque en fibre de carbone. Un seul radiateur prend place devant le nez, réduisant le nombre d’entrées d’air. L’aileron arrière est placé au plus bas. Mazda rajeunit aussi son effectif. Au jeune et talentueux pilote allemand Volker Weidler – arrivé en 1989 – Mazdaspeed adjoint deux autres sprinters eux aussi en provenance de la F1 : Johnny Herbert et Bertrand Gachot.
1990 est pourtant une saison difficile en championnat du Japon comme au Mans. Dans la Sarthe, les deux 787 abandonnent sur ennuis mécaniques. Et pendant la nuit, Bertrand Gachot se fait aussi une frayeur : « Nous avons rencontré des soucis électriques et les phares se sont éteints pendant que j’étais au volant. Je venais de passer l’entrée des stands. Je devais faire un tour complet pour ramener la voiture au box,avec le risque qu’un autre concurrent n’arrive plus vite derrière moi sans me voir. Pour me signaler, je donnais des grands coups d’accélérateur, ce qui générait des flammes d’un mètre ».
« A cause de ces problèmes de fiabilité, les autres constructeurs ne se sont pas rendus compte à quel point nous avions progressé en 1990 » indique Pierre Dieudonné. L’année suivante, Mazda échappe ainsi aux pénalités imposées par la fédération pour décourager les marques souhaitant participer au championnat du monde avec leur anciennes voitures Groupe C. Tolérées au Mans – en raison de la fragilité des jeunes 3.5-litres, les Jaguar XJR-12, Mercedes C11 et Porsche 962 C doivent désormais excéder la tonne sur la balance. Mais les Mazda, qui courraient sous homologation IMSA, peuvent finalement conserver leurs 830 kg. La fenêtre de tir est ouverte. Reste maintenant à revoir la gestion de l’équipe…
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