Podle akademiotoelektronik, 10/01/2023
Jeux vidéo. Ils ont trouvé l’amour sur « World of Warcraft »
C’est notre conte de Noël à nous. Parce que si ce 25 décembre, vous étiez tentés de regarder un de ces téléfilms allemands sirupeux, plein d’amour sous la neige, de cadeaux sous le sapin et de bagues de fiançailles, – genre La Fiancée des neiges, De l’espoir pour Noël ou encore L’Invité de Noël (oui, ils existent tous) -, sachez que Sur le vif ! a mieux en stock.
On exagère un peu, parce que la belle histoire entre Bérangère et Arnaud dure depuis plus de 15 ans et qu’il serait vraiment malhonnête de la réduire à un scénario sauce Pacte de Noël – dans celui-là Julie et Rob prétendent être en couple pour être laissés tranquilles par leurs familles respectives. Mais rapidement, leur différence de religion complique les choses – ok, pardon, j’arrête !
100 millions de joueurs et une rencontre
Pour ceux d’entre vous qui ne connaissent pas World of Warcraft (abrégé en WOW), il s’agit d’un jeu de rôle en ligne massivement multijoueur, abrégé MMORPG (et non pas un « Meuporg », pour ceux qui se souviennent de cette séquence mythique sur France 2 ). Le titre propose depuis 2005 d’incarner l’une des races de l’univers Warcraft (humain, elfes, nain, gnome, tauren, pandaren etc.), de choisir un camp – la Horde ou l’Alliance – et de jouer en groupe avec d’autres personnes du monde entier. Combattre des monstres pour monter de niveau, organiser des expéditions à plusieurs dans des donjons ou contre l’ennemi : à son apogée, le jeu rassemble près de 100 millions de joueurs sur 244 territoires différents. L’histoire de Bérangère et Arnaud, c’est aussi le récit d’une époque (et qui se termine mieux que celle de Ted Mosby).
Bref, parmi ces 100 millions de joueurs, il y a Bérangère et Arnaud. Ils jouent tous deux pour l’Alliance. Elle est mage, lui paladin. « Mais un paladin un peu spécial » nous explique-t-elle, « il ne portait pas d’armure lourde, donc il louchait sur les objets qui pouvaient m’intéresser ». Un détail qui ne va pas en rester un. Mais soyons patients. Si vous ne savez pas ce qu’est un paladin, rappelez-vous cette fabuleuse réclame portée par Alexandre Astier himself :
Pour le moment, ces deux-là jouent ensemble sans vraiment s’adresser la parole. Chacun fait partie d’une guilde différente (un rassemblement de joueurs sous une même bannière), qui se regroupe pour former des raids à 40 joueurs qui partent à l’assaut de donjons pour vaincre des ennemis et amasser un butin plus rare. Autant dire qu’il n’est pas facile de se parler, mais « on se retrouvait comme ça régulièrement, plusieurs fois par semaine, pendant plusieurs heures » ajoute Bérangère. Un noyau dur de joueurs se forme alors, ceux qui restent bien après la fin du donjon pour continuer à discuter.
La voix – et l’épée – de la discorde
Pour communiquer, ils utilisent le logiciel TeamSpeak, qui permet d’utiliser son micro pour discuter. « Officiellement, il y avait trois rassemblements par semaine » raconte le couple, « mais quand une session de jeu finissait vers minuit, certains restaient. On continuait à jouer ensemble, remplir des quêtes ou simplement discuter ». Et autant dire que le charme n’a pas opéré par les oreilles pour Bérangère : « Sa voix ne me plaisait pas du tout. Quand il prenait la parole, il me saoulait ! » rit-elle aujourd’hui.
Arriva ce qui devait arriver : une prise de tête. « On a vraiment commencé à se parler après une dispute autour d’un loot sur le raid de Molten Core ». Un loot, c’est un objet lâché par un monstre. Et Molten Core, une zone où seuls les joueurs ayant atteint le niveau 60, et plus, peuvent se regrouper pour vaincre Ragnaros le Seigneur de Feu. Autant le dire : plus les ennemis sont monumentaux, plus les récompenses le sont.
Pour se partager ces lots, il existe un système de points instauré par les chefs de guilde, les DKP (pour Dragon Kill Point). « Plus on participe à des raids et plus on emmagasine de points DKP » décrypte Arnaud, « et les objets sont plus ou moins chers en DKP selon leur rareté ».
Et c’est là que tous deux lorgnent sur la même épée. « Quand cette épée est tombée on s’est battu et Arnaud a fait tapis avec ses points. Sur le moment je lui en ai vraiment voulu ! », se remémore Bérangère.
40 km d’écart
En réalité, rien ne les rapproche, à l’exception d’une amie commune sur le jeu. « Cette amie a décidé de quitter nos sorties pour jouer de nuit avec des Canadiens. On savait qu’on ne se verrait plus puisqu’on vivait en complet décalage » : une situation qui déprime Bérangère. Arnaud le remarque et va prendre des nouvelles de Bérangère plus souvent. « On s’est mis à discuter. Quelques minutes, quelques heures et puis toute la nuit » racontent-ils. Le paladin envoie aussi des cadeaux virtuels via les boîtes aux lettres du jeu, des petits clins d’œil pour la faire sourire dans ce moment compliqué.
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« On n’était pas du tout dans une recherche de relati on amoureuse » pointe Bérangère, « dès que l’on disait qu’on était une fille, on recevait des messages de drague. Je recadrais direct, d’autant plus que j’étais déjà en couple ». Il n’y a alors qu’au sein de sa guilde et lors des raids qu’elle ouvre le micro et qu’elle se dévoile.
Bonne nouvelle pour Arnaud : il ne fait pas partie des « gros lourdauds » de World of Warcraft. Au fil des discussions et des mois, vient la question fatidique, celle de se voir « en vrai ». Coup de chance, ils vivent tous les deux en région parisienne. Lui dans le Val-de-Marne, elle dans les Yvelines : 40 km d’écart.
Se rencontrer autrement ? « Impossible »
Auraient pu se rencontrer autrement ? Bérangère et Arnaud répondent par la négative. Même en se croisant par hasard ? « 40 km d’écart en Ile-de-France c’est énorme. Trois heures de route en transports en commun entre les bus, les trains, les RER… et puis avec la densité de population, se croiser autrement que par le jeu vidéo, ça n’aurait pas été possible », note Arnaud. Leurs quotidiens respectifs non plus ne pouvaient pas les rassembler : lui, étudiant en informatique, hésite entre une reprise d’étude ou la vie active. Elle, travaille dans un supermarché pour payer ses études, et vient tout juste de passer son permis, « des conditions qui n’auraient pas pu favoriser une rencontre en dehors », conclut Arnaud.
Alors pour la première rencontre, ils choisissent un lieu à mi-chemin : Paris et le quartier Montparnasse. « Un endroit public évidemment », raconte Bérangère, « les copines étaient au courant », « c’est vrai que j’aurais pu être un serial killer », ajoute son conjoint en riant.
« On n’était surtout pas prédestiné à jouer à ce jeu non plus ». Bérangère le découvre un peu avant ça sortie. Elle est alors étudiante en école d’infirmière et rencontre Céline, une amie. « On a fait connaissance avec un autre copain en commun qui a eu des clefs pour tester le bêta, le Graal à l’époque ! » Elle ne sait pas encore ce qu’est un MMORPG, ni ce qu’est l’univers de Warcraft, « mais la curiosité l’a emporté et c’était parti ! ».
Le schéma est similaire pour Arnaud. Lui n’est pas du tout friand de ce genre de jeu. C’est un copain qui lui en parle et le fait essayer : « j’ai été happé par le jeu. J’ai monté les niveaux jusqu’au maximum et c’est là qu’on a pu se croiser avec Bérangère ».
Une seconde famille en ligne
Des flirts, des couples, il y en a eu grâce à World of Warcraft, « mais je crois que, de ceux que l’on connaissait, nous sommes les seuls à être toujours ensemble » note Bérangère, « parce que WOW, c’était aussi beaucoup de rencontres lors des IRL ».
Les « IRL » pour in real life, ce sont des rencontres organisées « dans la vraie vie » pour faire connaissance avec ses partenaires de jeu, qui souvent, deviennent des amis. Bérangère et Arnaud sont toujours en contact avec une partie d’entre eux.
« C’était une super période » raconte le couple, « quand on joue cinq à six fois par semaine avec les mêmes personnes, elles deviennent comme une seconde famille ». Et quand on aime sa famille, on a tendance à lui rendre visite : pour le Nouvel an, à Marseille, des rendez-vous en Bretagne, en Suisse ou même à Disneyland.
Des parents d’une autre génération
Du côté de leur « première » famille, cette rencontre n’a choqué personne. « Sachant que moi, j’ai quitté mon copain de l’époque, avec qui j’étais depuis cinq ans, pour Arnaud. Alors au début, je n’en ai tout simplement pas parlé ! ». Et puis un bout d’un mois, après qu’Arnaud a fait trois heures de train pour la retrouver, il se retrouve à boire le café avec sa future belle-mère. Pour Bérangère sa mère « avait bien compris qu’il se tramait quelque chose mais elle ne m’a jamais rien demandé. Ni si c’était sérieux, ni comment ça s’était passé ».
Arnaud enchaîne : « Nos parents sont d’une autre génération. Une génération qui n’a connu ni les réseaux sociaux, ni internet. Nos mères ont 73 ans ! Pour elles c’est totalement abstrait de pouvoir se rencontrer en ligne, encore plus sur un jeu ! ».
Leur histoire n’a, quoi qu’il en soit, choqué personne. « À l’époque », raconte Bérangère, « ma famille était un peu moqueuse. Ils ne comprenaient pas le temps que je passais sur WOW… et ça les faisait rire quand je racontais mes histoires de dragons ».
De nouvelles priorités
Résultat, les « histoires de dragons » ont donné lieu à une belle histoire, huit ans de mariage et deux enfants de 10 et 6 ans. Le jeu ? Ils ont arrêté à la naissance de leur aîné, « il y avait d’autres priorités ». « On a essayé de s’y remettre à chaque sortie d’extension, mais on se fait rattraper par le quotidien » concède Arnaud, « et puis le jeu évolue dans une direction qui ne nous plaît pas forcément ».
Nostalgiques des raids à 40, ils ont bien essayé la version World of Warcraft : Classic, sortie en 2019, mais sont aussi déçus par des facilités instaurées par le jeu : « on aimait bien galérer un peu, même au début. Prendre le temps de parcourir la carte ».
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Aujourd’hui, ils jouent toujours aux jeux vidéo, MAIS à des titres moins chronophages. « Il y a la vie de famille, la vie professionnelle aussi ! On n’a plus autant de temps que lorsque nous étions étudiants » ? termine Bérangère. Une période qu’ils n’oublieront jamais : « on a vécu de super moments avec tous ces gens grâce à WOW. On a fait aucune mauvaise rencontre ».
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