Par akademiotoelektronik, 24/02/2023
"Evènement de la rentrée" ou "film ennuyeux" ? "Dune" de Denis Villeneuve : l'avis du Masque et la plume
C'est le film très attendu du mois de septembre : l'adaptation du roman de SF de Franck Herbert par le réalisateur canadien. L'histoire avec Timothée Chalamet, Oscar Isaac et Rebecca Ferguson déclenche une certaine unanimité parmi les spécialistes cinéma de l'émission culturelle du dimanche soir à France Inter.
La présentation de "Dune" par Jérôme Garcin
"C'est l'événement de l'automne : la sortie de Dune, le film du canadien Denis Villeneuve. Il est long de 2h30, lourd d'un budget de 165 millions de dollars, et cela se voit à l'écran. Le casting ? "L'idole" Timothée Chalamet, Rebecca Ferguson, Charlotte Rampling, Oscar Isaac, Josh Brolin...
Dune, que je me garderai de résumer faute de temps, est le surnom de la planète désertique Arrakis. La chaleur frôle les 100 degrés, et des vers géants soulèvent le sable. Une épice précieuse est produite sur cette planète. Elle permet de prolonger la vie humaine, la navigation interstellaire et donne des vertus divinatoires.
On est en l'an 10 191 quand le duc Leto Atréides (Oscar Isaac) hérite de cette planète où il se rend avec sa concubine, dame Jessica (Rebecca Ferguson), son fils Paul (Timothée Chalamet) et ses meilleurs soldats. Ils vont survoler le désert dans des hélicoptères libellules que je trouve assez réussis.
Il rencontre le peuple autochtone des Fremen : ils ont des yeux bleus et attendent le "Muad'Dib", le Messie qui suscitera le djihad. Ils sont persécutés par le clan barbare des Harkonnen, qui sont à la fois chauves et imberbes.
Il existe aussi le Bene Gesserit, une communauté exclusivement féminine qui joue un rôle très important sur les planètes. La mère supérieure est incarnée par Charlotte Rampling.
Il faut dire que c'est épuisant à regarder. J'ai été frappé par l'absence de sentiment et d'émotion. Mais en revanche, il y a beaucoup, beaucoup de sable ! Il devrait avoir le sentiment de chaleur que je n'ai pas eu."
Pierre Murat : "C'est magnifique, mais on s'ennuie beaucoup"
"Les hélicoptères sont très beaux et nous réveillent un peu. Je vais être encore une fois en contradiction avec mon journal parce que tous les critiques de Télérama ont été très émus. Or, l'émotion me manque.
J'en veux beaucoup à Denis Villeneuve. C'est un metteur en scène qui a beaucoup de talent. J'avais été très fan de Blade Runner 2049, qui était déjà un peu froid. Mais il y avait un personnage, une quête, une vision quasi métaphysique, proche par moments d'Andreï Tarkovski. Je me disais qu'il arriverait peut-être à rendre à Dune cette épopée de quête mystique. Et là, je suis resté sur ma faim parce que j'ai trouvé ça glacé.
D'autant que, paralysé par ses décors, par le fric, par tout ce qu'il avait sans doute à faire dans le contrat, les personnages n'existent pas. Timothée Chalamet : on dirait une vision ou un robot tiré d'une intelligence artificielle. Il n'a aucun sentiment sur son visage. Ce n'est d'ailleurs pas de sa faute : on lui a demandé de ne rien exprimer du tout.
Chaque plan est une splendeur. Mais qu'est-ce que la splendeur peut être embêtante et ennuyeuse quand pendant 2h25 mn, il ne se passe rien."
Eric Neuhoff : "On dirait un épisode de Top Chef"
Bon, on a compris que ça se passait dans le désert. On n'était peut-être pas obligés de demander au marchand de sable de réaliser le film !
C'est un peu comme un Star Wars. On mélange toutes les tribus : les Harkonnen, les Fremen, les Atréides…
C'est d'un kitsch et tellement ringard que ce film, c'est la SF des années 1960. Cela se passe dans l'an 10 000, mais on a l'impression qu'ils sont allés dévaliser un vieux vestiaire de l'armée albanaise.
On ne sent pas du tout les 100 degrés… mais moi, j'aurais aimé qu'on sente le second au moins. Mais il n'y a absolument aucun humour. Tout ça se prend au sérieux. Et c'est d'un ennui !
Il y a la pauvre Charlotte Rampling. Après avoir endossé la cornette de la bonne sœur Benedetta, elle porte une burqa grillagée. La prochaine fois, ils vont la mettre en scaphandrier !
On comprend vraiment que le meilleur film tiré de Dune, n'est pas celui de David Lynch, mais celui qui ne s'est jamais fait, et heureusement : celui de Jodorowsky."
Xavier Leherpeur : "Un bel objet arty assez ennuyeux"
"Dune part d'une bande annonce mensongère dans laquelle on a mis les trois traits d'humour du film. Quand on l'a vue, on se dit : "Chouette, ils ont joué le décalage à la Marvel's Avengers. Ils ont compris l'air du temps…". Non, les trois moments d'humour sont dilués dans les 2h40. Donc c'est très sentencieux et ça se prend très au sérieux.
Et là, on voit une bande annonce de 2h40. On voit assez vite qu'il ne va pas tout faire rentrer dans ce film. Donc, au bout d'une heure vingt, dans un passage prémonitoire, le héros voit les images du prochain épisode.
On nous montre une fraction de grande bataille épique où Timothée Chalamet saute sur tout le monde, tourne sur lui-même comme un Power Ranger…
Et puis ensuite, on le voit chevaucher le ver géant - qui est la seule scène que l'on attend. Dune est quand même le seul roman dans lequel le héros chevauche un phallus qui a une gueule d'anus, ça vaut la peine d'être cité. Là, on vous rassure, ce sera dans le prochain. Sauf qu'on nous dit qu'il n'est pas encore filmé ! Donc, il faut aller se taper celui-ci pour voir le prochain… Ça commence à faire beaucoup !
Et puis, si vous allez voir le film, éditez le résumé formidable qu'en a fait Jérôme Garcin, parce qu'il y a deux temporalités dans le film, il y a celle du récit et celle de la mise en scène.
Le film est assez beau, c'est assez flamboyant.La bande-son est intéressante : très tendance, avec des tambours, mais elle finit par jouer contre le film lui-même.
Denis Villeneuve est tellement occupé à faire de belles arabesques, de beaux mouvements de caméra qu'il nous perd. Je me suis demandé : "Qui sont les Atréides ?" "Qui sont les méchants", "Qui a trahi ?", "Qui est l'empereur ?" J'ai été obligé de me référer constamment au récit pour me dire : "L'ectoplasme, pardon, Timothée Chalamet, est dans quel camp" ? "Et la dame, qui est-ce" ? Sauf qu'au bout d'1h20 de reboot du récit, je m'en suis un peu fichu du film. En résumé, à part la bande-son, le film est un objet arty malheureusement assez ennuyeux."
Sophie Avon : "L'ampleur narrative d'un film ne dépend pas du gigantisme déployé"
"Je vais être brève : je suis d'accord avec tout ce qui a été dit. Même si je trouve quand même que vous avez été un peu sévères avec Denis Villeneuve. J'attends plus de lui. En effet, je suis restée de marbre, je n'ai ressenti aucune émotion. On a l'impression d'avoir vu ça des centaines de fois.
Tous ces films, comme Star Wars, Blade Runner… ont siphonné toutes ces thématiques : les guerres, les rivalités, les trahisons… Et on a besoin qu'on nous le raconte au moins un peu différemment. Ici, les personnages n'existent pas. Ils sont réduits à leur fonction.
Il y a un autre problème : cette espèce d'étalon, de marketing, de marque de fabrique du chef d'œuvre hollywoodien qui serait dans le gigantisme. Il faut absolument que tout soit monumental, que ce soit de plus en plus grand...
Même s'il y a des choses assez belles dans le film, le gigantisme n'apporte rien."
ECOUTER | Le Masque et la plume avec Dune
Avec le nec plus ultra de la critique
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